Pédagogie
L’enthousiasme
Susciter l’enthousiasme est probablement la chose la plus difficile à décrire pour un pédagogue. Cela provient souvent de petites choses, comme lorsque l’on se rend compte du plaisir particulier qu’un élève a pour une œuvre qu’il apprend ou de la joie d’une représentation scénique ou encore et de la satisfaction qu’il peut ressentir d’avoir surmonté une difficulté.
Au travers du plaisir du jeu (par la sensation et l’écoute), le rituel d’un cours, la représentation scénique, j’essaye en tant que pédagogue d’être un catalyseur de cette notion.
Par exemple, en tout début d’apprentissage, je leur parle du plaisir et de la satisfaction qu’ils vont avoir de savoir réaliser une pièce ou lors de leur premier concert, je leur parle du plaisir de partager et transmettre les émotions d’une pièce.
Sans cette notion de plaisir, il est impossible que les élèves fassent sereinement un travail technique répétitif et musical nécessaire à la maîtrise de l’instrument et à la maturité musicale ; sans le plaisir du jeu, ils n’arriveront pas à dépasser la frustration des premiers échecs d’une partition plus difficile ou plus longue que d’habitude pour aller vers le plaisir sonore.
La pédagogie de groupe
C’est paradoxalement les cours particuliers à domicile qui m’ont aidé à comprendre la force et l’impulsion que peut donner les cours de groupes dans l’enseignement de la musique. Je me suis aperçu que les élèves à qui j’enseigne à domicile et atteignant un bon niveau global ont des lacunes, difficiles à combler en termes d’interactions sociales à travers la musique, notamment en musique de chambre, en ensemble, quelque soit la formation instrumentale. De plus, le fait d’être seul ne leur permet pas de développer un regard critique sur leur propre travail.
J’utilise la pédagogie de groupe d’une manière différente dans les cycles. Dans le 1er cycle, elle me permettra de créer une dynamique de groupe et de développer des savoirs communs et structurants. Dans le 2e cycle afin de développer l’autonomie et un regard critique sur sa pratique, la pédagogie de groupe permettra aux élèves de poser leur travail au regard de tous et d’échanger sur celui-ci, ce sera aussi l’occasion d’aider les plus jeunes et de percevoir le rôle d’accompagnant.
Le cours de groupe permet d’avoir une dynamique propre au groupe, une interaction sociale importante. Cela permet également la mise en place d’un rituel dans le cours très apprécié des plus jeunes élèves et permet d’avoir un temps plus long pour réaliser des exercices techniques, de la formation musicale, de l’interprétation, des ensembles de guitares.
Les cours de groupes que je réalise sont divisés en trois grandes parties. Une partie technique, une partie de formation musicale et une troisième concernant les pièces seules et/ou de musique d’ensemble (trio, quatuor, etc.).
Ces parties sont souvent effectuées dans cet ordre et en concertation avec des élèves de premier cycle que j’implique dans la prise de décision de l’ordre dans lequel le cours va être effectué, pour qu’il soit déjà dans une dynamique qui va vers l’autonomie; cela me permet de rassurer les élèves avec un rituel installé, tout en permettant d’être flexible pour répondre aux attentes de chaque groupe.
Pour ma part, j’aime commencer par la technique, elle me permet de réaliser des choses demandant beaucoup plus d’énergie et de concentration, car elle fait appel à un travail intellectuel et corporel dans un même temps. La formation musicale (s’il y a lieu) placée au milieu du cours a l’avantage de mettre l’accent sur la partie intellectuelle de la partition, de préserver le corps créant une respiration avant d’aborder les pièces dans la troisième partie. Le rythme engendré par ces changements d’activité a l’avantage de garder l’attention des élèves et in fine le plaisir du jeu.
Le cours de groupe permet également de mettre les élèves dans deux états, un actif et l’autre d’apparence passif. Les états actifs se présentent souvent sous la forme d’interaction soit avec moi (questions/réponses) soit entre eux ; par exemple en technique, je les interroge de temps à autre pour voir s’ils ont vu des défauts dans la posture de leurs camarades, ou encore, je réalise des petits jeux ou les élèves doivent deviner le nom de la note que je réalise, ou alors je demande à un élève de faire une note et aux autres de la trouver. La situation passive est celle aussi du futur auditeur/spectateur, l’élève en silence écoute la musique produite par les autres élèves, dans le silence il enregistre divers éléments qu’il pourra utiliser plus tard. Tous ces petits éléments mis bout à bout permettent de conserver, de l’attention, du plaisir à venir en cours et à jouer, ils favorisent l’entraide, le partage, et soudent les élèves entre eux.
La création
Présente dès le début de mon enseignement, elle permet aux élèves de prendre confiance en eux et de dépasser la partition en mettant en relation ce qu’ils inventent et la façon de l’écrire pour ne pas l’oublier. Dans le 2e et 3e cycle, elle est un formidable outil de développement personnel et de cheminement intérieur et donne aux élèves la capacité de gagner en maturité.
Le partage et le plaisir de la découverte en cours de groupe peuvent également s’observer avec l’élève qui de lui-même devient créateur pour un instant.
Dans l’une des méthodes que j’utilise pour les premières années, il y a une page consacrée aux compositions que les élèves peuvent faire. Très souvent, et de leur propre chef, les élèves me demandent s’ils peuvent écrire quelque chose dessus. C’est une occasion pour eux de se relier à leurs potentiels créatifs et pour moi c’est la possibilité d’aborder des notions de grammaire musicale et d’écriture me permettant de leur expliquer le lien entre l’oral et l’écrit. Puis dans un deuxième temps avec eux, complexifier leur création en leur demandant d’intégrer d’autres éléments comme des rythmes ou des basses non présents dans leurs premières esquisses.
Les savoir-faire
Ils sont essentiels autant pour la progression que pour le développement artistique des élèves. Je les ai listés en différentes catégories dont émergent deux grands axes :
• Instrumental
Cela regroupe la technique main gauche et main droite, mais également la position que l’élève a sur son instrument et à laquelle j’attache une grande importance pour favoriser le bien-être en jouant. J’ai développé des séries d’exercices techniques pour 1er et 2e cycle permettant d’obtenir de bons résultats.
• La grammaire musicale
Cela regroupe la lecture de notes et de rythme, le déchiffrage à la guitare et de façon plus globale tout ce qui concerne la compréhension d’une partition avec les repères historiques ou encore l’analyse d’un morceau.
L’évaluation
Il s’agira de différencier ce qui est de l’évaluation formative et de l’évaluation sélective. La majorité du temps, j’utilise l’évaluation formative qui permet aux élèves de prendre du recul et de relativiser sur leur propre prestation en évaluant celle d’un autre, de se rassurer sur des difficultés qu’eux aussi peuvent rencontrer. Cela me permet aussi d’évaluer plus facilement leur compréhension, leur capacité d’analyse et leur sens de l’écoute. En fin de cycle, il y a l’évaluation sélective, elle permettra à un jury extérieur au conservatoire de déterminer si un élève a acquis toutes les compétences nécessaires pour changer de cycle.
L’autonomie
Principe structurant de mon enseignement en 2e cycle, l’autonomie trouve pourtant ses fondements dès le début de l’apprentissage de l’élève. Je les incite à explorer leur instrument, favorisant les compositions personnelles, l’invention au travers d’histoires, mais également en leur donnant des repères historiques sur les œuvres abordées et les compositeurs.
Le répertoire
Un répertoire d’enseignant se construit petit à petit. Il part de celui que l’on a reçu et se développe au fil des formations, des rencontres, des échanges et des découvertes personnelles. La curiosité est un moteur de la construction de ce répertoire qui reste quelque chose de très personnel.
Il me paraît important que sur la durée d’un premier cycle soient interprétées des pièces de différentes époques de la guitare. J’attache un soin particulier à ce qu’un spectre le plus large possible soit vu pendant la durée d’un cycle.